De ces jours frais qui se cueillent
Il existe des jours frais qui se cueillent, comme on cueille une fleur, happé par sa beauté, au détour d’un chemin. Des jours qui, sans qu’on l’attende, se montrent délicieux et fondants comme un miel crémeux. De petites hirondelles venues chanter le printemps, pépiements joyeux, et froissements d’ailes grisants.
Des matins où, dans l’habit de Ménécée, la vie devient une pensée d’Epicure. Ces matins, où nos yeux s’ouvrent, ni trop tôt, ni trop tard. Où, sur le feu, s’élève des volutes de flocons d’avoine, et où la timide théière crachote des vapeurs de thé à la vanille.
Des matins où le soleil qui perce fièrement par la fenêtre nous couvre comme la plus précieuse des soies.
L’eau chaude bienfaisante qui nous enveloppe redonne sens à notre corps, qui s’éveille doucement, au son clair et mélodieux des oiseaux qui profitent de la nouvelle saison. Puis, l’esprit se perd dans un enchantement de mots, tout en ravissant nos papilles avides d’une tasse fumante. Des mots, comme une mélopée, qui mériteraient presque qu’on les chante à voix haute. Des mots qui font du bien, dont la simple lecture nous empli de lumière chaude. Les mots des Nouvelles Orientales, de Marguerite Yourcenar, qui nous font nous évader sur des collines grecques que les nymphes peuplent, sur des barques, dont le craquement trouble les paisibles rizières d’Asie.
De ces jours, où tout est à sa place. Ou, finalement, de simples petits gestes nous rappellent ce qu’est le bonheur: cet état simple, et doux, où nous prenons soin de nous, où nous nourrissons avec amour et tendresse notre âme, et notre corps. Des petites actions, pourtant si banales, que nous pouvons prendre le temps de savourer, en fermant les yeux, en en humant l’odeur, en se délectant des saveurs, en se complaisant dans leur toucher soyeux. Le bonheur, tout simplement. Car le bonheur est simple. Simple de petites choses.
